Plusieurs études montrent l’existence de liens développementaux entre les habiletés dans des tâches liées au rythme et les compétences de décodage en lecture. Par exemple, l’habileté à percevoir ou reproduire des patrons de rythmes est souvent reliée à la performance dans des tâches de précision et de vitesse de décodage en lecture. Il est aussi reconnu que la dyslexie, un trouble d’apprentissage de la lecture, tend à s’accompagner de déficits dans la réalisation de tâches rythmiques, et ces déficits ont été reliés à un entraînement atypique d’oscillations neuronales de basse fréquence lors de l’écoute de stimuli rythmiques. Pour expliquer ces liens entre l’entraînement neuronal au rythme et le décodage en lecture, on propose que le rythme de la parole et le chunking perceptif puissent jouer un rôle important durant la lecture orale, une activité qui génère des comportements rythmiques sur le plan de la parole et des mouvements oculaires.

Pour tester cette hypothèse, on a conçu un paradigme expérimental d’oculométrie où 43 adultes ont eu à lire des courtes phrases présentées sur un écran, tandis que leur voix et leurs mouvements oculaires étaient enregistrés. La lecture de ces phrases était immédiatement précédée d’un rythme auditif au patron régulier ou irrégulier qui pouvait correspondre ou non au rythme implicite de la phrase lue. Des analyses acoustiques montrent que le rythme implicite du texte est suivi de façon stricte dans la production orale des participants, indépendamment d’un amorçage rythmique externe. De plus, certaines mesures de mouvements oculaires (les probabilités de fixations) reflètent les groupements rythmiques de la voix, suggérant que le chunking de séquences verbales puisse être un facteur déterminant pour l’échantillonnage visuel d’un texte. On discutera des implications théoriques de ces résultats et des répercussions cliniques et éducatives que peut engendrer la recherche sur le rythme et la lecture.